Envoyé aux enseignants le 25 octobre, en pleines vacances, un message du directeur général de l’enseignement scolaire, Edouard Geffray, les invite à participer à une consultation du ministère. “Comme vous le savez, de nombreux élèves rencontrent des difficultés“, écrit-il. “Les principaux constats sont connus depuis des années. Il nous faut désormais en tirer les conséquences“, ajoute-il, reprenant la formule de G. Attal le 5 octobre.

"Je lance la bataille pour le niveau de notre école" nous avait annoncé le ministre Attal, le 5 octobre dernier à l’occasion de la journée internationale des enseignant.es.
Tout un programme pour cette mission choc de 8 semaines appelée "Exigence des savoirs" pour une application dès la rentrée 2024 : refonte des programmes, fin des cycles avec retour à un séquençage par année et par classe, mise en place de manuels labélisés EN, des classes de niveaux en sixième pour un collège "modulaire", français/maths à tous les étages, recrutement à niveau Bac pour un formatage précoce, sans oublier la restauration de l’autorité...
Et pour emballer cette véritable réforme systémique, sans aucune consultation des organisations syndicales, un beau questionnaire pour les enseignant.es arrivé dans nos boîtes professionnelles ce 25 octobre.

Le questionnaire est accessible à tou.te.s, autant de fois qu’on le veut. Surtout, ses questions sont très orientées.

Vous trouverez ci-dessous un décryptage de la FSU-SNUipp de ce questionnaire.

Un projet ultra-conservateur pour l’école
Ce questionnaire manifeste, par des questions biaisées, la volonté d’imposer des réformes dont le contenu a déjà été annoncé :
– révision des programmes pour renforcer la place des dits « fondamentaux »
– individualisation des apprentissages
– recours à des groupes de niveau
– abandon de la logique de cycle

Une vision passéiste de l’école
Il transpire une vision de l’école passéiste alors que la recherche a pourtant tranché de longue date ces questions. Les devoirs à la maison, officiellement abandonnés dans le premier degré par la circulaire du 29 décembre 1956, participent du creusement des inégalités. Le redoublement enferme les élèves qui le subissent dans l’échec scolaire, au contraire des possibilités ouvertes par une logique de cycle.

Culture générale
Sciences, histoire-géographie, EMC, arts plastiques, musique, EPS… Autant de disciplines dont la maîtrise est importante pour comprendre le monde et le transformer et qui seraient profondément affectées par une dissolution dans une culture générale indistincte, participant de l’augmentation des inégalités scolaires.

Et toujours du mépris pour le 1er degré...
Enfin, la comparaison des questionnaires à destination des professeur.es des écoles et des enseignant.es du secondaire témoignent du mépris du ministère vis-à-vis des personnels du premier degré, considéré.es comme de simples exécutant.es et, dont on attend qu’ils et elles ne fassent qu’appliquer des scénarios pédagogiques élaborés par d’autres.

– C’est ce qui transpire derrière la labellisation ministérielle de manuels scolaires ou la promotion des guides, par ailleurs en rupture avec les consensus scientifiques sur les apprentissages scolaires.

– C’est ce qui est manifeste quand les questions évoquant tant le collectif pédagogique comme ressource pour penser le travail, qu’un développement professionnel appuyé sur la recherche, sont réservées au secondaire. Or le travail en équipe est primordial dans nos écoles, les conseils de cycle et de maîtres/maîtresses font avancer les pratiques.

La mission « exigence des savoirs » vise à « élaborer une stratégie pour élever le niveau de notre école », en se situant dans la poursuite « des actions engagées depuis 2017 (dédoublement des grandes sections, CP et CE1 en éducation prioritaire, plan de formation continue des enseignants, etc.) avec pour objectif « d’améliorer le niveau des élèves en français et en mathématiques ».

Trois groupes de travail (école - collège - lycée) qui réunissent deux professeurs, un recteur, un inspecteur d’académie et un inspecteur général de l’Éducation nationale qui travailleront notamment autour de 4 grandes thématiques :
● Les programmes
● Les pratiques pédagogiques
● L’organisation pédagogique
● La culture générale et les disciplines complémentaires des savoirs fondamentaux

C’est Pierre Moya, nouveau recteur de l’académie d’Amiens, qui dirigera le groupe de travail sur l’école.

Cette grande concertation est coordonnée par :
● Édouard Geffray, Directeur général de l’enseignement scolaire, entré au ministère sous le ministre Blanquer en 2017 à la DGRH, puis en 2019 à la DGESCO
● Caroline Pascal, Doyenne de l’IGÉSR, nommée doyenne de l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN) le 20 mars 2018, sous le ministre Blanquer
● Stanislas Dehaene, président du CSEN, nommé en 2018 par le ministre Blanquer
● Gilles Halbout, recteur de l’académie d’Orléans-Tours
anciennement recteur de l’académie de Mayotte où il a imposé la méthode de lecture néo (anciennement lego) développée sous Blanquer.

Calendrier :
● Du 16 octobre au 20 novembre 2023 :
◦ Auditions des différentes parties prenantes par les groupes de travail
◦ Consultation des professeurs : envoi d’un questionnaire sur ce qui leur semble pertinent ou limitant pour renforcer le niveau
◦ En parallèle, chaque acteur a la possibilité d’envoyer des productions écrites (propositions, interrogations, etc.).
● À partir du 20 novembre 2023 : synthèse des propositions
● Fin novembre 2023 : remise des propositions consolidées au ministre sous forme de rapport
● Une mise en œuvre à la rentrée 2024

Questionnaire «exigence des savoirs » : un questionnaire au service de la politique du ministère

Questionnaire «exigence des savoirs » : un questionnaire au service de la politique du ministère