Le lundi 25 mars, la FSU-SNUipp 80 a organisé un stage "Choc des Savoirs". Sarah Hamoudi Wilkowsky a décrypté pour nous cette nouvelle réforme. Où ? Quand ? Comment ? Quels impacts sur les élèves ? Sur les enseignants ? Nous répondons à toutes vos questions.

Une chose est sûre : ce sont les élèves qui vont être les premiers impactés par le choc des savoirs.

Le tri social qui se met en place est très inquiétant.

Il est essentiel de prendre conscience du danger de cette nouvelle réforme et rapidement se mobiliser !

La mesure la plus médiatique est la mise en place des groupes de niveau au collège.
Annonce faite, comme d’habitude, sans concertation avec les équipes et sans prendre en compte les réalités du terrain. Face à la difficulté de mise en place de ces groupes de niveau dans certains établissements, il est même possible que soient créées des classes de niveau.

Quel avenir pour nos élèves les plus en difficulté, pour qui les fameux "fondamentaux" constitueront la majeure partie de leurs heures de cours ? Pour qui bénéficier d’heures de cours en petits groupes, dans des matières autres que maths et français, permettaient de ne pas être en échec et de découvrir les notions à aborder d’une autre manière ?

D’autre part, les évaluations nationales vont être généralisées à la rentrée 2024, fondées sur les fondamentaux, en contradiction avec les recherches actuelles qui montrent leur inefficacité sur la réussite scolaire.
Il est indéniable que ces évaluations obligatoires impactent directement notre métier, la pratique de notre enseignement. . Transformés en simples exécutants, c’est notre liberté pédagogique qui s’envole mais aussi tout simplement ce qui fait le corps de notre métier.

Aussi, va être mise en place une "labellisation" des manuels qui dépendra du CSEN. Selon le calendrier transmis par le MEN, dès la rentrée 2024 ce sont les élèves de CP qui seront dotés de ces manuels seulement pour la lecture. A la rentrée 2025, tous les manuels du CP à la 6ème, et en septembre 2026 tous les manuels du CP à la terminale.
Pour l’heure nous ne savons pas encore si cette mesure aura un caractère obligatoire.

Quid des collègues ayant déjà changés de méthode à la dernière rentrée et ont ainsi déjà investis ? Est-ce que cela ne concernera que les classes dépourvues de manuels ? Quel financement ? Autant de questions sans réponses.....

En ce moment, les programmes sont en train d’être réécrits pour augmenter la part des prescriptions pédagogiques. Ils vont clairement mêler les programmes actuels et les guides. Les nouveaux programmes devraient contenir des objectifs annules voire infra-annuels ( par trimestres ou périodes), des progressions, des temps d’activités à mener, des repères d’acquisition et même de performance. En clair l’administration pourra maintenant vous demander lors des visites ou des PPCR pourquoi vous n’êtes pas arrivés à telle ou telle notion selon la période de l’année.

Encore une fois où est notre liberté pédagogique ? En respectant ces directives comment être dans la bienveillance et prendre en compte la diversité de nos élèves ?

Ce resserrement sur les fondamentaux amène au renforcement des difficultés d’apprentissage. L’école devient depuis quelques années déjà plus normative, sélective, plus à même de réaliser du tri social.
Le Premier Ministre assume même un choc de renoncement à la démocratisation scolaire « le taux de réussite au brevet et sans doute au bac diminuera dans les années à venir. J’en ai conscience et je l’assume ».

C’est ainsi que la semaine dernière, lors du congrès du SNES, la motivation des collègues du 2nd degré a fait naître une nouvelle date de mobilisation dans le paysage des revendications : le mardi 2 avril 2024 (un rassemblement à 14h devant le rectorat d’Amiens doit se tenir).

Il est nécessaire de renforcer notre liberté pédagogique. Il faut souhaiter la fin de ces nouvelles mesures et des évaluations nationales obligatoires.

La FSU SNUipp décrypte pour vous cette réforme désastreuse dans sa publication :

1) Le constat du renforcement des inégalités.

En 2018, grâce aux résultats de PISA (écoles publiques et privées), en lecture, on voit que la France est au dessus de la moyenne européenne mais reste championne des inégalités scolaires (corrélés aux inégalités sociales). 107 points d’écart entre les plus favorisés et les moins favorisés ; l’écart moyen étant de de 87 points.
Philippe Champy, a publié un article sur les résultats de PISA 2022, hébergé sur Mediapart très intéressant.
Depuis 2022, le nombre d’élèves peu "performants" est en aggravation. Depuis 2000, les résultats sont de manière générale en français en baisse, y compris pour les élèves les plus performants.

58% des apprentissages en France sont centrés sur les fondamentaux (21% maths, 37% français). 42% sont donc consacrés aux sciences, à l’histoire-géo, à l’arts, à l’EPS...

Il y a une prolétarisation du métier (Meirieu, Grimaud)
Blanquer a marqué le paysage enseignant en voulant « diffuser les techniques pédagogiques qui ont fait leurs preuves inspirées directement de la recherche et fondées sur les meilleures expériences internationales. »
Injonctions permanentes, directives infantilisantes, évaluations standardisées qui nous dépossèdent de notre métier.
Dans la prochaine réforme annoncée, il y aura une rémunération au mérite (sera-t-elle donnée en fonction de la réussite aux évaluations ?) C’est une attaque importante sur la liberté pédagogique.
Il y a de moins en moins de culture professionnelles commune chez les enseignants. Comme si une amnésie professionnelle avait vu le jour, due aux changements incessants demandés par le MEN.
Il y a des techniques de management qui se mettent en place depuis les années 80.

Depuis 1980, des dispositifs ont vu le jour : APC, PPRE, PPRE passerelle, SRAN...
2013 : plus de maîtres que de classe (hélas vite abandonné)

Le choix est fait de l’individualisation mais cela amène à toujours plus d’inégalités.
Différencier et une chose, individualiser en est une autre.

Notre professionnalité nous permet de voir les techniques d’apprentissage efficaces : le retour d’informations immédiat donné aux élèves durant leur processus d’apprentissage > les stratégies métacognitives > le tutorat par les pairs > l’apprentissage collaboratif, en groupe > la réduction de la taille des classes > l’apprentissage individualisé > le mentorat > le professeur auxiliaire > l’amélioration des bâtiments scolaires (optimisation et reconfiguration des espaces) > le regroupement par aptitude. (Cf. document rédigé par Blanquer).

Le regroupement des élèves par niveau est donc lui-même mis en dernière position par un ancien ministre de l’Education !

2) l’Evidence-Based-Education et la RAI (Réponse à l’intervention), modèle à suivre ?

Il s’agit d’un modèle d’éducation réalisé en fonction de données probantes : l’élève doit avancer de manière prévisible dans les temps impartis. Ce modèle implanté aux E.-U., au Québec, ne peut être réalisé sans les évaluations standardisées.
Vous voyez où la FSU-SNUipp veut en venir ?
De très nombreux chercheurs contestent ce modèle éducatif car on retire tous les apprentissages non quantifiables. Le CSEN dit clairement que les évaluations ont pour but de modifier les pratiques enseignantes, la DEPP notifie la RAI comme étant ce qui est à faire.

Modèle RAI (ou SSPM Système de Soutien à Palier Multiples) :
80 % d’interventions universelles
15% interventions supplémentaires et ciblées (APC)
5% interventions intensives et individualisées (Problème : les RASED ont des nouvelles missions ou ne sont pas assez nombreux).
=20% d’élèves en difficulté (répétition, individualisation = un traitement socialement différencié).
L’école est déjà ségrégative (éducation prioritaire, quartier politique de la ville...), ce qui change à la rentrée c’est que cela va se généraliser sur tout le territoire.

La RAI ne fonctionne pas sans les évaluations standardisées, elle s’appuie (en plus) sur des tests de positionnement réguliers.

3) Le « choc des savoirs » va aggraver ces inégalités

Le lycée modulaire, les réformes de la voie professionnelle, parcoursup, le torpillage du collège unique...
Des mesures en contradiction avec la recherche : la montée des inégalités est observée au regard des résultats aux évaluations nationales, l’enfermement dans un devenir scolaire socialement déterminant avec la remise en place du redoublement, les groupes de niveaux qui amplifient les inégalités, les freins avec le Diplôme National du Brevet érigé en diplôme d’entrée au lycée (prépa 2nde...)

Stanislas Dehaene parlait en novembre 2023 de la naissance d’un écosystème : labellisation des manuels, réécriture des programmes, du socle commun (autour de 4 piliers : compétences psychosociales, culture générale, français et mathématiques.)

Un changement de paradigme pour les programmes : ils vont indiquer ce que les élèves doivent apprendre, des objectifs annuels, infra-annuels (par trimestre ou période).
Les programmes sont dorénavant un outil lisible qui servent aux parents.
Le fonctionnement en cycle va être enterré.

Les programmes contiendront des progressions mais aussi des temps nécessaires pour construire chacune des compétences fondamentales. Il y a a une volonté de cadrage du travail enseignant.

Une pétition intersyndicale nationale contre la passation des évaluations nationales a vu le jour. Des réponses de cette pétition s’en suivra ou non une consigne syndicale. SIGNEZ-LA !!
Pétition | Arrêt des évaluations obligatoires imposées, laissez-nous travailler ! [Je signe la pétition] (lapetition.fr)

Utilisation des travaux de la recherche sélectionnés pour servir les nouveaux programmes.

Sylvie Plane « les lettres d’intention du CSP tracent un portrait inquiétant de l’école à venir, avec un enseignement très segmenté, très contrôlé... » voir article de la FSU-SNUipp
Sylvie Plane : programmes un carcan très étroit - FSU-SNUipp

C’est le référentiel de santé publique France qui a été utilisé pour le programme des compétences psycho-sociales.

La mission « exigence des savoirs » a abouti à l’annonce de mesures pour le 1er degré dont la labellisation des manuels scolaires (réponse le 11 avril pour les manuels de français CP, RS 2025 manuels du CE1 à la 6ème, RS 2026 ce sera l’ensemble des manuels jusqu’à la terminale).
Commission de certification : CSE le 14 mars. Pas de logo mais une liste serait publiée sur le site du MEN.

3,1 millions d’euros pour équiper les élèves des CP (et CE1 en quartiers prioritaires de la ville) de manuels adaptés, dans le Projet de Loi de Finances.

Une nouvelle école (capitaliste) se met en place.

Un pilotage qui va se durcir...

I- Rapport de l’Inspection générale (01/2023)
Recommandation n°3 : pilotage ciblé sur les circonscriptions et les écoles qui ont des résultats inférieurs à la moyenne des résultats des circonscriptions ou des écoles de sociologie comparable.
Recommandation n°4 : augmenter le nombre de visites dans les classes.
Recommandation n°7 : réexpliquer aux PE le sens des évaluations et la manière dont elles sont conçues.

II- CASF (Conseil Académique des Savoirs Fondamentaux)
Pilotage académique « se fondant notamment sur l’analyse des résultats aux évaluations nationales ».

La carte de l’éducation prioritaire devait être revue en 2023.
QPV = éducation prioritaire sans aucun moyen !
La nouvelle carte de l’EP devrait être calquée sur l’EP existante et y ajouter les QPV, les cités éducatives...

Vers un état évaluateur ?
Xavier Pons parle de « fast politique ». Voir ses vidéos « la politique du puzzle » + « l’État évaluateur » (cohérence des politiques publiques éducatives garantie par une évaluation continue, codifiée et corrective d’objectifs communs précis et élaborés par l’État en concertation avec ses partenaires (2011).

Retours et replay des interventions lors du colloque évaluations nationales de septembre https://www.snuipp.fr/actualites/posts/l-evaluation-dans-tous-ses-etats (dont l’intervention complète de Xavier Pons).

4) Que faire ? En quoi les évaluations nationales sont-elles un objet de lutte syndicale ?

Propositions de la FSU-SNUipp :

• Présence au stage aujourd’hui, beaucoup de collègues ne connaissent pas leur droit : 12 jours de stage par an, le droit de dire « non » (aux évaluations académiques par exemple)

• « Arrêt des évaluations obligatoires imposées, laissez-nous travailler ! » Pétition proposée par l’IS du 1er degré au complet

• Flyer à mettre en salle des maîtres + tract à destination des parents, réunions publiques

• Rejoindre le collectif Riposte – halte à la casse de l’école : une riposte collective s’impose. Volonté d’une autre école, un Grenelle alternatif avec six chantiers engagés .

« Enseigner est un acte politique. » D. Bucheton
Refusons « la prolétarisation du métier ». P. Meirieu

Construisons un choc de contestation contre le « choc des savoirs » !
Mobilisons-nous mardi 2 avril 2024, devant le rectorat à 14h.

Lundi 6 mai 2024, en soirée, Webinaire FSU-SNUipp sur le choc des savoirs.

Stage «CHOC DES SAVOIRS»

Stage «CHOC DES SAVOIRS»